Le prix de l’Assemblée nationale du Québec a pour objectif de favoriser la production d’ouvrages reliés à l’histoire politique de l’Amérique française qui s’imposent par la qualité, l’originalité et la rigueur de la recherche historique et par leur accessibilité au grand public.


2023

Julien Mauduit
La guerre d’indépendance des Canadas.
Démocratie, républicanismes et libéralismes en Amérique du Nord
(McGill-Queen’s University Press, 2022)

Dans La Guerre d’indépendance des Canadas. Démocratie, républicanismes et libéralismes en Amérique du Nord, Julien Mauduit présente une analyse ambitieuse et novatrice de l’histoire des patriotes en la décloisonnant de son contexte national. En proposant une histoire transnationale des Rébellions, liant les destinées des révolutionnaires du Bas-Canada, du Haut-Canada et des États-Unis, Julien Mauduit parvient à montrer de manière convaincante que cette « guerre d’indépendance » des Canadas constitue « un phénomène continental d’une grande ampleur ». Appuyant son argumentaire sur un nombre impressionnant de sources, notamment états-uniennes, et sur une connaissance profonde de l’historiographie nord-américaine des Rébellions, l’auteur analyse de manière complexe et nuancée cet épisode révolutionnaire en insistant sur les idéaux portés par ceux qui se sont battus pour démocratiser le pouvoir politique. 

L’ouvrage témoigne d’une maîtrise de plusieurs champs de l’histoire : histoire sociale des idées, en mettant en lumière la complexité des idéaux républicains et des paradoxes qui les traversent, histoire militaire, en évoquant les stratégies des révolutionnaires, histoire économique, en montrant la critique économique sur laquelle se fondent les idées des Républicains, histoire internationale, en s’intéressant à la circulation des idées et de leurs passeurs. L’originalité de l’ouvrage se trouve également dans une révision de la chronologie des événements, se terminant avec la signature du traité de Webster-Ashburton en 1842 et dans l’attention portée aux réseaux et à leurs dynamiques, qui servent la circulation des idées révolutionnaires au-delà des frontières.

En somme, La Guerre d’indépendance des Canadas offre une lecture inédite d’une période de l’histoire pourtant bien documentée. Écrit dans une langue agile et élégante, l’ouvrage ne peut que stimuler les débats sur les Rébellions et devenir un incontournable de l’historiographie nord-américaine pour comprendre cette période phare.

Le jury souhaite féliciter chaleureusement Julien Mauduit pour son livre remarquable qui atteint tous les objectifs du prix de l’Assemblée nationale en renouvelant et en élargissant notre compréhension des Rébellions et ce, de manière accessible, pour combler tant un lectorat d’universitaires que de passionnés d’histoire politique. 


2022

Martin Pâquet et Stéphane Savard
Brève histoire de la Révolution tranquille
Boréal, 2021

Rédiger un ouvrage de synthèse, c’est, comme les auteurs le soulignent eux-mêmes, rendre un service public. Et en effet, proposer une lecture globale de la Révolution tranquille, au moment où cette époque est toujours présente dans la mémoire collective et devient matière d’histoire, constitue une entreprise historienne fort utile. Mais dans cette Brève histoire de la Révolution tranquille, Martin Pâquet et Stéphane Savard nous rappellent que la synthèse historique peut également être un lieu d’innovation de même qu’une contribution significative à la connaissance et à la compréhension du passé. Ainsi, les auteurs renoncent à la reconstitution chronologique pour proposer une structure narrative originale, sensible aux mutations du rapport au temps qui caractérisent et définissent cette période. L’ouvrage se décline en trois sections, qui constituent autant de temps distincts, selon une logique explicitée dans l’introduction. Il s’agit d’abord de situer la Révolution tranquille dans son contexte – canadien et international d’abord, puis québécois. L’analyse proposée laisse déjà entrevoir l’ambition et le souffle de l’ouvrage, attentif aux transformations socio-économiques, religieuses, démographiques, culturelles et politiques qui balaient le monde pendant les Trente Glorieuses et qui, au Québec, préparent l’arrivée d’un temps nouveau. La seconde partie de l’ouvrage, intitulée « Vivre », plonge le lecteur au cœur de la Révolution tranquille. Pour la connaître et la comprendre, les auteurs retiennent comme focale l’État québécois. Ils examinent d’abord le déploiement d’une impulsion réformatrice, portée par de nouvelles « élites définitrices », empreinte d’un nouveau nationalisme et d’une conception nouvelle du rôle de l’État ainsi que des droits et libertés des citoyens. Ils explorent ensuite le « moment » d’une prise de parole citoyenne qui s’affirme à partir de la fin des années 1960. D’autres acteurs occupent alors la scène – mouvements féministes et étudiants, syndicats, Premières Nations, artistes, mouvements indépendantistes – et se mobilisent autour d’un ensemble d’enjeux nouveaux. S’ouvre alors la dernière phase de la Révolution tranquille, celle des clivages sociaux et des ruptures qui signent la fin d’une époque. En guise d’épilogue, un dernier chapitre, « Se souvenir », offre un bel espace de réflexion où les auteurs inscrivent la Révolution tranquille dans le temps présent, comme lieu de mémoire et matière de l’historien.

Le jury tient à féliciter et à remercier les auteurs pour cet ouvrage exceptionnel qui enrichit l’historiographie québécoise et atteint pleinement son objectif de rendre la Révolution tranquille intelligible pour leurs contemporains.
2021

Patrice Groulx
François-Xavier Garneau.
Poète, historien et patriote
Éditions du Boréal, 2020

Poète, historien, patriote : par le sous-titre de son étude, Patrice Groulx révèle déjà ses intentions. Sa biographie de François-Xavier Garneau s’attache en effet à faire découvrir comment la littérature et les combats politiques de son temps ont façonné l’homme et marqué son écriture de l’Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu’à nos jours. Il s’agit ainsi de comprendre comment cet homme s’est fait historien. Car rien ne destinait François-Xavier Garneau à devenir le premier historien du Québec. L’auteur reconstitue le parcours d’un jeune homme curieux et d’une intelligence vive, né dans un milieu modeste, de parents illettrés valorisant l’éducation. Des rencontres déterminantes initient Garneau à la littérature, à la philosophie, à la poésie et à l’histoire, mais aussi au monde juridique, au journalisme et aux avenues professionnelles ouvertes à ceux qui savent manier la plume. Les débats politiques qui agitent le Bas-Canada et les mouvements nationalitaires qui balaient alors l’Europe le marquent profondément et font naître en lui un fort sentiment patriotique qui s’exprime dans sa poésie avant d’inspirer son oeuvre historienne. Car, affirme Patrice Groulx, pour Garneau, « la mémoire est aussi un champ de bataille ».
Garneau l’historien est au coeur de cette étude. Patrice Groulx examine avec finesse l’élaboration du projet d’écriture d’une histoire nationale, soulignant la naissance simultanée, voire l’étroite imbrication, du projet national et d’une démarche scientifique fondée sur l’archive et la preuve. L’auteur identifie les préoccupations et les valeurs de l’érudit-historien : ses craintes pour l’avenir de la nation canadienne-française, son inquiétude devant la « torpeur » de ses concitoyens, son opposition à la tyrannie, ses aspirations démocratiques, son adhésion au libéralisme. Et il met en relief les dures exigences de la pratique de la recherche et de l’écriture historienne, en marge d’un travail professionnel accaparant. Enfin, Patrice Groulx montre bien les obstacles que Garneau doit affronter pour diffuser et faire rayonner son Histoire du Canada, notamment l’opposition du clergé et l’indifférence d’une partie du public visé. Les ventes sont décevantes, en dépit d’un soutien ponctuel de la classe politique et de l’Assemblée législative.
La biographie, nous rappelle Patrice Groulx, citant Lucie Robert, est un « genre incertain, entre récit et histoire, entre fiction et réalité ». Dans cet ouvrage, Patrice Groulx mobilise sa connaissance intime des ressources archivistiques, sa grande érudition, sa créativité et sa plume élégante pour faire revivre François-Xavier Garneau et son époque. Les lecteurs y découvriront à la fois l’homme dans ses dispositions intimes et l’historien engagé dans les combats politiques de son temps. Le jury salue l’audace de Patrice Groulx : produire un récit neuf sur un objet d’histoire aussi visité que Garneau n’est pas une mince affaire. Et il réussit avec d’autant plus de brio qu’il parvient à interpeller à la fois le public chercheur et le grand public. Ainsi, dans son essence même, cet ouvrage répond entièrement aux visées du Prix de l’Assemblée nationale.
2020

Max Hamon
The Audacity of His Enterprise. Louis Riel and the Métis Nation That Canada Never Was, 1840-1875
McGill-Queen’s University Press, 2019

Il n’est jamais aisé de revisiter un sujet qui a déjà fait couler beaucoup d’encre. À ce titre, le pari endossé par Max Hamon contenait une part supplémentaire de risque, dans la mesure où le personnage de Louis Riel demeure encore aujourd’hui un objet polémique du récit historique canadien. Le résultat net est à la hauteur du pari : l’auteur livre une étude audacieuse et convaincante du parcours de Riel, qui lui permet de tracer un portrait novateur des tribulations politiques entourant la naissance de l’État canadien moderne. La réussite de Max Hamon s’explique d’abord par un tour de force historiographique : il dégage son personnage des ornières téléologiques du grand récit national, prenant le contrepied des producteurs de récits de toutes allégeances. À ceux qui réduisent Riel à un caillou dans la construction de l’État libéral, l’auteur rappelle qu’il est un acteur de premier plan de cette entreprise ; aux autres qui le posent en martyr ou comme dernier rempart contre la marche des « industriels financiers de l’Est », il répond qu’on ne peut limiter le personnage à un rebelle. Sa démonstration, qui s’appuie sur un assemblage de sources étendu, offre au premier chef de nouvelles perspectives sur l’environnement idéologique du milieu du XIXe siècle. Son récit met en relief les réseaux intellectuels qui ont construit Riel, en dépoussiérant notamment de manière surprenante l’époque de sa formation dans la région montréalaise. Le cœur de l’enquête permet de repousser les limites de la compréhension des enjeux identitaires et territoriaux touchant à la fois les portions ouest et est du Canada en devenir ; la définition des frontières elles-mêmes apparait alors accessoire ou impertinente. L’analyse des replis de la pensée de Riel fait émerger d’autres conceptions du territoire et des groupes qui s’y entrechoquent et collaborent. De nouveaux espaces de possibles se dégagent. Le politicien remplace bientôt la figure du rebelle ; l’intellectuel prend le pas sur le Métis. Et le Canada, soudain, devient un projet inachevé, en friche, à penser… Et c’est à ce moment que l’auteur trace un trait tout aussi audacieux que le personnage qu’il ausculte : il freine son récit en 1875 – plutôt qu’au moment de sa pendaison en 1885 –, manière habile de bien marquer le changement de paradigme dans l’interprétation de l’astre Riel dans le ciel historiographique canadien. Le jury salue la volonté de l’auteur de renouveler la compréhension d’un épisode clé de l’histoire canadienne, et le soin méticuleux avec lequel il offre un nouveau cadre interprétatif pour son objet. Les propositions de l’ouvrage de Max Hamon sont innovantes en ce qu’elles font réfléchir à la définition et la nature de lieux communs, d’espaces, d’institutions et de représentations qui structurent notre culture politique collective.
panser-le-canada

2019

Valérie Lapointe-Gagnon
Panser le Canada.
Une histoire intellectuelle de la commission Laurendeau-Dunton
Boréal, 2018

Avec l’ouvrage Panser le Canada, Valérie Lapointe-Gagnon plonge le lecteur au cœur des années 1960 et livre une analyse remarquable d’un événement phare de la décennie, la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme. L’auteure adopte une perspective fertile, fondée sur le concept de kairos, pour cerner l’histoire intellectuelle de cette commission. Elle envisage en effet cette période de l’histoire canadienne comme un moment exceptionnel par les conditions qui y sont réunies pour étudier les relations entre les « deux peuples fondateurs » et pour imaginer un avenir différent pour le fédéralisme canadien.
L’étude trace un portrait saisissant du contexte politique et intellectuel qui préside à la prise de conscience de la dualité canadienne et à la constitution de la commission. Elle retrace également le parcours et les réseaux des intellectuels des milieux anglophones et francophones siégeant à titre de commissaires. Le cœur de l’ouvrage est consacré à l’examen, de l’intérieur, du travail des commissaires et du personnel administratif qui les soutient. Il s’agit d’une reconstitution exemplaire des multiples facettes de la vie de la commission, dont les réactions des médias, les rencontres citoyennes régionales, la production d’études par des experts en sciences sociales, les relations avec les responsables politiques et les tensions autour de la formulation des recommandations finales. Le croisement de sources multiples – rapports et études publiés, fonds d’archives de la commission, mémoires et journaux intimes des commissaires, etc. – et l’analyse fine de Mme Lapointe-Gagnon donnent à cette histoire intellectuelle toute sa vivacité et sa profondeur.
Sous sa plume, la commission Laurendeau-Dunton prend vie comme un lieu animé par des débats sur des enjeux fondamentaux de la société canadienne. Et les voix des commissaires se font entendre, avec leurs perspectives tantôt convergentes, tantôt conflictuelles à propos de leur vision du Canada de l’avenir, sur le plan linguistique et constitutionnel. Le jury félicite Mme Lapointe-Gagnon pour son approche originale des travaux de cette commission royale d’enquête, qui permet de restituer ce moment de possibles et de comprendre son caractère fondamental dans la définition du Canada contemporain. Son ouvrage démontre de manière convaincante l’impact de l’expertise nouvelle en sciences humaines et sociales sur la mise au jour des inégalités structurelles qui caractérisent alors la société canadienne – révélant du même coup les causes et les conséquences à la fois politique, économique et culturelle qui les fondent.
greve-et-paix

2018

Martin Petitclerc et Martin Robert
Grève et paix.
Une histoire des lois spéciales au Québec
Lux, 2018

Avec un titre évocateur du fameux roman de Léon Tolstoï, certains vous diront que le livre de Martin Petitclerc et de Martin Robert était destiné à remporter un prix. Les membres du comité des prix tiennent à vous rassurer que ce livre n’a pas été choisi en raison de son titre. Dans leur synthèse, les auteurs retracent l’histoire du rôle de l’État dans la gestion des relations de travail. Ils s’intéressent tout particulièrement aux interventions du gouvernement du Québec visant à limiter le droit de grève par des lois spéciales. Fondant leur analyse sur une diversité de sources, Petitclerc et Robert démontrent que le gouvernement du Québec recourt, d’autres affirmeraient qu’il abuse, à son droit d’ingérence en suspendant le droit de grève par des lois spéciales, geste posé par les autres États de la fédération canadienne mais avec moins de fréquence. Ce livre démontre comment les lois spéciales ou d’exception ont contribué à ce que les auteurs appellent la marginalisation du syndicalisme. En même temps, le lecteur découvre le visage « coercitif » de l’État par son recours à la suppression du droit de grève, tendance qui s’est intensifiée dans le contexte du néo-libéralisme.
51g4oTfertL._SX331_BO1,204,203,200_2017

Ronald Rudin
Kouchibouguac.
Removal, Resistance, and Remembrance at a Canadian National Park
University of Toronto Press, 2016

Sis sur la côte acadienne du Nouveau-Brunswick, le parc national Kouchibouguac cache derrière ses beautés naturelles une histoire tourmentée, marquée par la destruction de sept communautés et la relocalisation de plus de 1 200 personnes, en grande majorité d’origine acadienne. C’est cette histoire, et plus encore, que Ronald Rudin nous raconte dans son plus récent ouvrage intitulé Kouchibouguac : Removal, Resistance, and Remembrance at a Canadian National Park, à qui est décerné le Prix de l’Assemblée nationale cette année.
Avec force détails, l’auteur nous présente l’affrontement éminemment politique entre, d’un côté, les gouvernements fédéral et provincial désirant créer un parc national dans cette région et, de l’autre, les communautés en grande partie acadienne menacées par ce projet. Inspirés par les principes de la modernité avancée (high modernism), pour reprendre l’expression de James C. Scott, outillés d’une panoplie de moyens technocratiques et imbus d’une conception de la nature comprise en opposition à toute présence humaine, les gouvernements impliqués dans la création du parc ont cherché à transformer et à façonner aussi bien l’environnement que les communautés humaines de la région afin de promouvoir le tourisme et le développement économique. Bien que le rapport de force n’ait pas été à leur avantage, les communautés visées par les expropriations n’ont néanmoins pas hésité à lutter contre le projet qui impliquait leur disparition, parfois même de manière musclée. Rudin nous rappelle que si plusieurs communautés ont finalement disparu, leur lutte n’a pas été vaine.
Elle a à la fois permis aux Néo-Brunswickois relocalisés d’obtenir de meilleures conditions d’expropriation tout en forçant le gouvernement fédéral à repenser sa politique concernant la création de nouveaux parcs nationaux, sauvant par la même occasion plusieurs autres communautés. L’auteur termine sa discussion en abordant la commémoration de cette histoire. Ce brillant ouvrage constitue une contribution majeure à l’histoire politique d’une région de l’Amérique française. Il démontre à la fois l’originalité, la vitalité et les possibilités de la nouvelle histoire politique qui s’intéresse aux rapports de pouvoir dans la société en les abordant à partir de diverses approches complémentaires.
Vallières2016

Marc Vallières
Le Québec emprunte.
Syndicats financiers et finances gouvernementales, 1867-1987
Septentrion, 2015

Bien que la question de l’endettement public ait dominé le discours politique québécois depuis plusieurs décennies, son histoire est demeurée nébuleuse jusqu’à la publication de l’ouvrage de Marc Vallières intitulé Le Québec emprunte : Syndicats financiers et finances gouvernementales, 1867-1987, à qui est décerné le Prix de l’Assemblée nationale cette année. Dans cette étude synthèse reposant sur une impressionnante recherche, l’auteur analyse l’évolution des rapports entre l’État québécois (c’est-à-dire le Gouvernement du Québec, ses affiliés ainsi qu’Hydro-Québec) et les marchés financiers sur lesquels l’État a emprunté les fonds nécessaires aux développements d’infrastructures et au financement de différents programmes gouvernementaux, et ce de la Confédération à 1987.
Ce faisant, il met en lumière le rôle clé des syndicats financiers organisés par des banques et des maisons de courtage pour écouler les obligations gouvernementales sur les marchés domestiques et internationaux. En racontant avec force détails la manière dont les emprunts ont été obtenus, l’ouvrage éclaire d’abord l’évolution des sources de financement de l’État québécois, allant des marchés britannique et français avant la Première Guerre mondiale au marché nord-américain avant la Révolution tranquille, puis aux marchés canadiens, américains, européens et japonais à partir des années 1960. L’ouvrage explique également comment le Gouvernement du Québec s’est progressivement affranchi de l’influence des syndicats financiers anglo-canadiens en encourageant le développement de maisons de courtage franco-québécoises à partir des années 1930, en créant la Caisse de dépôt et placement du Québec en 1965 et en diversifiant la source de ses emprunts à partir de la Révolution tranquille. Cet ouvrage magistral, richement illustré et accompagné de nombreux tableaux, constitue sans conteste une contribution majeure à l’histoire politique du Québec.
2015Nettoyer Montréal

Mathieu Lapointe
Nettoyer Montréal.
Les campagnes de moralité publique 1940-1954
Septentrion, 2014

Les campagnes de moralité et de répression du vice n’évoquent guère d’images positives de nos jours et sont facilement soupçonnées d’hypocrisie. Par conséquent, quoique faisant partie du folklore montréalais, celles des années 40 et 50 ont été peu étudiées et restent mal connues. C’est dans ce contexte que le prix de l’Assemblée nationale est décerné cette année à Mathieu Lapointe pour son livre intitulé Nettoyer Montréal. Les campagnes de moralité publique 1940-1954. Cet ouvrage minutieux et solidement documenté remet en question les interprétations assez simplistes du phénomène. Ni tentative de contrôle social ni manœuvre politique, ces campagnes, qui jouirent d’un large appui dans la presse, allant de l’intellectuel Devoir aux tabloïdes populaires, confrontaient les élites locales et rencontrèrent les foudres du gouvernement provincial de Maurice Duplessis et celles de l’administration municipale mise en place par les libéraux. Ces campagnes n’émanaient pas non plus d’un réflexe clérico-nationaliste défensif face à l’urbanisation et à la modernité de l’après-guerre. La Ligue de vigilance sociale de 1944-1946 était bi-confessionnelle et multi-ethnique. Le Comité de moralité publique qui lui succéda, bien que composé exclusivement de Canadiens français, était jeune, urbain et laïc. Loin de rejeter la modernité et les influences extérieures, ces mouvements en faisaient partie et s’intégraient dans une mouvance internationale visant à mettre fin à la corruption municipale, à l’influence du crime organisé sur les municipalités et au trafic de personnes humaines. Les activités des mouvements de moralité publique furent d’ailleurs fortement influencées par des mouvements similaires et contemporains aux États-Unis. L’ouvrage de Mathieu Lapointe nous oblige donc à revoir nos idées reçues sur ces mouvements et à les comprendre comme des signes avant-coureurs de la Révolution tranquille.

Wendat_beaulieu2014

Alain Beaulieu, Stéphanie Béreau et Jean Tanguay
Les Wendats du Québec.
Territoire, économie et identité, 1650-1930
Éditions GID, 2013

Ce livre répond parfaitement aux critères du Prix de l’Assemblée nationale. Il traite d’un sujet éminemment politique : l’histoire des Wendats sur trois siècles, leurs déplacements et leur appropriation du territoire, leurs activités économiques (l’agriculture, la chasse, la pêche, l’artisanat) et leurs revendications juridiques et territoriales. Qui plus est, ce livre, qui interpellera sans aucun doute les chercheurs, les professeurs et les étudiants, saura intéresser également le grand public. Si le fil conducteur de l’ouvrage est l’évolution, sur le long terme, de l’économie de subsistance des Wendats, les auteurs livrent en parallèle une analyse fine des relations entre ces derniers et les autorités coloniales et une réflexion nuancée par rapport à ce qu’ils appellent « l’ambivalence identitaire » des Wendats.
Fondé sur une recherche rigoureuse dans les sources et rédigée de manière fluide et accessible, ce livre de belle facture contient de nombreuses images (tableaux et photographies) pertinentes, judicieusement choisies et soigneusement reproduites.
francophonienord2013

Yves Frenette, Étienne Rivard, Marc Saint-Hilaire
Atlas historique du Québec.
La francophonie nord-américaine
Presse de l’Université Laval, 2013

Cet ouvrage ambitieux et érudit, de facture impeccable, offre aux lecteurs universitaires comme au grand public un vaste panorama des communautés francophones établies en Amérique du Nord, du XVIe siècle jusqu’à nos jours. C’est un livre qui nous invite à nous asseoir pour le feuilleter pendant quelques minutes, et duquel on émerge plusieurs heures plus tard, éblouis par les textes, les cartes, les photos et les tableaux qui nous renseignent autant sur la déportation des Acadiens dans les années 1750 et 1760 que sur la présence francophone à Santa Fe, dans le Sud-Ouest américain, au milieu du XIXe siècle. Cette belle contribution à l’histoire de l’Amérique française marie la perspective historique au souci de comprendre la dimension spatiale de la colonisation et des migrations : la démarche multidisciplinaire est ici pleinement assumée et assurément réussie. Par ailleurs, les derniers chapitres, s’ils sont bel et bien ancrés dans l’histoire des francophones de l’Amérique, proposent également des réflexions autour de l’avenir de ces diverses communautés. Enfin, ce livre est le fruit d’un véritable travail collaboratif : trois directeurs d’ouvrage et plus de trente-cinq auteurs ont participé à cette entreprise collective. C’est à l’unanimité que les membres du jury saluent ce merveilleux ouvrage et félicitent tous ceux et toutes celles qui ont contribué à sa réalisation.
2012

Simon Jolivet
Le vert et le bleu.
Identité québécoise et identité irlandaise au tournant du XXe siècle
Presses de l’Université de Montréal, 2011

Le Prix de l’Assemblée nationale est décerné à Simon Jolivet pour un ouvrage surprenant et remarquable sur le sentiment d’ethnicité irlandaise au Québec entre 1898 et 1921. Le vert et le bleu démontre admirablement comment les bouleversements politiques en Irlande au tournant du XXe siècle se sont répercutés au Québec et comment les communautés irlando-québécoise et canadienne-française ont réagi à ces événements. Jolivet éclaircit les affinités entre les deux groupes, entre leurs élites et entre leurs différentes sociétés patriotiques. En maniant finement des sources journalistiques et archivistiques pourtant connues, Jolivet fait ressortir des faits nouveaux sur le sentiment ethnique irlandais au Québec et sur l’importance de la question politique irlandaise parmi les élites politiques canadiennes-françaises. Ces dernières étant presque unanimement favorables à l’autonomie de l’île, Jolivet démontre comment cette sympathie s’articule chez les nationalistes québécois de l’époque.
Jolivet fusionne ainsi une synthèse admirable de l’histoire des Irlandais du Québec à un style lisible et une structure de démonstration novatrice. Il produit ici un ouvrage qui saura se rendre utile aux universitaires, tout en intéressant un large public avide de notre histoire, répondant avec brio aux critères du Prix de l’Assemblée nationale.
langueetpolitique2011

Marcel Martel et Martin Pâquet
Langue et politique au Canada et au Québec.
Une synthèse historique
Boréal, 2010

Ce livre s’est imposé au jury à la fois par son objet, les enjeux linguistiques dans l’espace canadien depuis le XVIe siècle jusqu’à nos jours, et par sa grande rigueur. Les auteurs produisent ici une remarquable synthèse des recherches universitaires récentes sur la politique des questions linguistiques et sur la place légale de la langue française au Canada et au Québec. Avec une prose précise et limpide, Martel et Pâquet présentent les longs cheminements constitutionnels des droits des Francophones, de l’Union des Canadas en 1840 à la Charte canadienne des droits et libertés de 1982, en passant par les crises scolaires des XIXe et XXe siècles. De plus, le choix assidu des illustrations et les encarts judicieux enrichissent la subtilité du texte, autant que la conclusion étaye l’argumentaire. En primant cet ouvrage, l’Institut souligne comment les auteurs ont su offrir à un plus large public le savoir historien, qui trop souvent reste confiné aux universités, sans sacrifier la rigueur scientifique à laquelle s’attendent les spécialistes.
histoirecaricatue2010

Robert Aird et Mira Falardeau
Histoire de la caricature au Québec
VLB éditeur, 2009

Le Prix de l’Assemblée nationale est décerné cette année au livre de Robert Aird et Mira Falardeau, Histoire de la caricature au Québec (VLB éditeur). Par le prisme de la caricature, c’est en quelque sorte à une histoire des idéologies et des débats politiques que nous convie cet ouvrage puisque la caricature est une compagne privilégiée de la presse et joue un rôle crucial en démocratie. De la naissance de la caricature au lendemain de la Conquête jusqu’à l’avènement de l’internet, l’Histoire de la caricature au Québec constitue une contribution notable qui rend compte de la transformation des pratiques, de la diversité des approches ainsi que de la mutation du contexte dans lequel les caricaturistes exercent leur travail. En primant cet ouvrage novateur, l’Institut reconnaît non seulement la valeur intrinsèque de son contenu, mais également ses qualités en termes de diffusion de l’histoire auprès du grand public. Le livre de Robert Aird et Mira Falardeau est abondamment illustré mettant à contribution plus de 200 caricatures. Grâce à ces illustrations qui éclairent le propos, l’ouvrage peut rejoindre un vaste lectorat, répondant ainsi à l’un des critères du Prix de l’Assemblée nationale.
francecanadaquebec4002009

Serge Joyal et Paul-André Linteau (directeurs)
France-Canada-Québec
400 ans de relations d’exception
Presses de l’Université de Montréal, 2008

Le Prix de l’Assemblée nationale 2009 est décerné au collectif France – Canada – Québec , publié sous la direction de Serge Joyal et de Paul-André Linteau. France – Canada – Québec est le produit, pour citer la présentation de Joyal et Linteau, de « la généreuse participation de douze historiens réputés qui ont accepté de consacrer du temps à la réussite de cette initiative, en rédigeant chacun un texte original qui fait le bilan des connaissances dans leurs champs de spécialisation ». Le collectif traite des relations entre les trois entités politiques depuis le xvie siècle, des liens entre « L’empire colonial français et les nations amérindiennes » aux « Échanges culturels entre Français, Québécois et Canadiens français depuis 1960 ». Relations commerciales ou relations culturelles, ces relations sont, par leur nature même, internationales, donc éminemment politiques. Par sa facture, l’ouvrage correspond parfaitement aux objectifs du prix : les historiens s’appuient sur une abondante documentation, bien identifiée, pour présenter des textes abordables et de bonne lecture. La qualité de la présentation matérielle rend le livre attrayant : abondantes illustrations, noir et blanc ou couleur, papier glacé. Il s’agit donc d’une référence pour les historiens et d’une contribution remarquable à la diffusion de la connaissance historienne dans le grand public.